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Étrangers d’ici ou d’ailleurs : comment les cultures façonnent notre regard sur l’autre

  • zoghbisara8
  • 12 mai
  • 2 min de lecture

Il n’y a pas un seul regard posé sur l’étranger, mais une multitude de filtres, plus ou moins conscients, à travers lesquels les sociétés perçoivent l’autre venu d’ailleurs. Ces filtres varient selon l’histoire, la langue, la géographie, les tensions sociales et les récits collectifs. Mais surtout, ils varient selon qui est cet étranger. Car on ne perçoit pas de la même façon un touriste, un travailleur migrant, un réfugié, ou un étudiant. Il existe, dans bien des cultures, des catégories d’étrangers — parfois tacites, parfois assumées — qui structurent l’accueil, la méfiance, la curiosité ou l’indifférence.

Dans certains pays, l’étranger est d’abord un invité. On pense ici au Sénégal, où la teranga, cet art de l’hospitalité, est au cœur des valeurs sociales. Mais même là, l’accueil peut différer selon les origines : l’Européen pourra être vu comme un partenaire potentiel ou un symbole de modernité, tandis qu’un migrant ouest-africain venant d’un pays voisin sera perçu autrement — parfois comme un frère, parfois comme un concurrent silencieux dans un marché de plus en plus tendu.

Au Liban, la figure de l’étranger est familière. Ce petit pays a toujours été traversé par les cultures et les migrations. Pourtant, là aussi, des distinctions existent. L’expatrié francophone peut bénéficier d’un capital social valorisé, alors qu’un travailleur domestique venant d’Asie du Sud ou d’Afrique subsaharienne fait face à une hiérarchie bien plus rigide, souvent incarnée dans les pratiques quotidiennes. Le même mot — “étranger” — couvre ici des réalités opposées, allant du prestige à la précarité.

Dans d’autres contextes, comme au Japon, la distinction est moins visible dans le traitement matériel, mais tout aussi présente dans le symbolique. Peu importe la durée du séjour ou le niveau de maîtrise de la langue, le gaijin reste extérieur au cercle. L'étranger est accueilli avec une grande politesse, mais rarement considéré comme pleinement intégrable. Ici encore, les origines jouent un rôle : certaines nationalités sont associées à la modernité ou à l’excellence, d’autres à des stéréotypes plus ambigus, parfois méfiants.

En France, le mot “étranger” lui-même porte une histoire lourde. Dans l’imaginaire collectif, il convoque à la fois l’hospitalité républicaine et les débats identitaires les plus sensibles. On ne parle pas d’un étranger suisse ou canadien de la même manière qu’un migrant maghrébin ou un réfugié syrien. Ce décalage, souvent euphémisé, façonne l’accès à l’emploi, au logement, ou tout simplement à la reconnaissance. Le regard sur l’étranger, ici, est autant affaire d’origine que de classe sociale et de langue.

Cette hiérarchisation n’est pas propre à l’Occident. Elle existe aussi en Asie, en Amérique latine, en Afrique du Nord. Elle repose sur des histoires coloniales, des liens diplomatiques, des constructions sociales et des préjugés durables. Certains étrangers incarnent le rêve, d’autres le risque. Et entre les deux, toute une gamme de perceptions fluctuantes, où la couleur de peau, le passeport, l’accent, ou même le prénom peuvent devenir des marqueurs décisifs.

Mais au fond, ce que ces regards révèlent, c’est moins l’autre que nous-mêmes. Qui nous admirons, qui nous redoutons, qui nous tenons à distance. Regarder comment une société perçoit ses étrangers, c’est observer en creux ses failles, ses fantasmes et ses frontières invisibles. Et peut-être, parfois, entrevoir ce à quoi elle aspire.

 
 
 

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