Quand la famille entre dans la salle de réunion...
- zoghbisara8
- 6 nov.
- 2 min de lecture
...la belle-mère devient partie prenante d’une négociation professionnelle!
Dans bien des milieux, on imagine la prise de décision comme un exercice rationnel, réservé à la sphère professionnelle. Pourtant, dans de nombreuses régions du monde, les choix importants se construisent ailleurs : dans le salon familial, autour d’un repas, ou au détour d’une conversation entre proches. Du Moyen-Orient à l’Afrique de l’Ouest, en passant par l’Asie du Sud, la famille joue un rôle direct dans la manière dont on s’engage, investit ou négocie. Au Canada, en Europe du Nord ou au Japon, la séparation entre la vie privée et le travail est perçue comme essentielle. Ces visions contrastées suffisent souvent à expliquer pourquoi certaines collaborations avancent avec fluidité et d’autres se heurtent à des malentendus.
Dans les contextes où l’autonomie personnelle est valorisée, décider seul paraît naturel. Ailleurs, consulter ses proches avant d’agir relève du bon sens. On s’assure que la décision ne déséquilibre pas le groupe, qu’elle respecte les hiérarchies familiales et les solidarités existantes. Ce processus peut sembler lent ou trop émotionnel à un regard extérieur, mais il répond à une autre logique : celle de la cohérence et du lien. Dans ces contextes, une décision dépasse souvent la seule volonté individuelle : elle s’inscrit dans un ensemble de liens et de responsabilités.
Ces différences se remarquent particulièrement dans les milieux où les interactions interculturelles sont fréquentes : la diplomatie, les ONG, le commerce international, les universités. Un gestionnaire canadien habitué à conclure un accord en quelques jours peut se sentir désorienté face à un partenaire sénégalais ou libanais qui prend davantage de temps. Ce temps n’est pas de la lenteur, mais une manière d’assurer que la décision sera acceptée et portée collectivement. Dans certains cas, la validation finale ne vient pas d’un supérieur hiérarchique, mais d’un parent, d’un aîné ou d’un conseiller de confiance. Le professionnel étranger ne le voit pas, mais cette consultation silencieuse renforce souvent la stabilité de l’accord.
Dans les échanges professionnels, les références à la famille peuvent également surprendre. Parler des enfants, évoquer un mariage ou la santé d’un proche n’est pas une digression anodine. Ces moments permettent d’établir un climat de confiance et de situer la relation dans un cadre humain avant d’entrer dans le cadre contractuel. Dans certaines cultures, on n’accorde pas sa confiance à une fonction, mais à une personne, perçue à travers le réseau d’attaches qui l’entoure. La famille n’est pas ici une affaire privée : elle est le miroir de la loyauté, du respect et de la stabilité.
Travailler dans un environnement interculturel, c’est accepter que la notion de professionnalisme n’ait pas la même signification partout. Dans certaines organisations, la neutralité et la réserve sont des signes de sérieux. Dans d’autres, la proximité et l’attention personnelle sont des formes de respect. Les institutions, les entreprises et les écoles sont traversées par ces logiques culturelles. Elles intègrent, souvent sans s’en rendre compte, les valeurs et les rythmes du contexte social où elles évoluent. Reconnaître ces influences ne remet pas en cause la rigueur professionnelle : cela permet simplement de comprendre que les décisions, les négociations et les engagements s’enracinent toujours dans des relations humaines. Et parfois, ces relations humaines se tissent bien avant la réunion officielle, autour d’un repas, d’un appel ou d’une conversation entre générations.

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